Les 4èmes Assises de la Convergence des Médias se sont déroulées en début de semaine à Paris et ont permis de faire le point sur plusieurs thématiques : la TV connectée, le rôle des tablettes tactiles vis à vis de la presse et du livre et la TV Mobile / TMP ( Télévision Mobile Personnelle ).
Sur ce dernier aspect, Janine Langlois Glandier, présidente du Forum TV Mobile, n'a pu que constater le blocage de la situation actuelle. Pour rappel, la TMP doit permettre de mettre en place un réseau de diffusion "broadcast" ( par rapport à la diffusion "unicast" des réseaux mobiles ) afin d'apporter cette fonctionnalité au plus grand nombre.
Cependant, le projet traîne depuis plusieurs années. Si un consensus a pu émerger au plan technique, c'est le modèle économique qui continue de faire défaut. Les opérateurs, après avoir été un temps approchés pour participer à la mise en place du réseau de diffusion, préfèrent maintenant attendre l'arrivée du très haut débit mobile ( LTE ), qui fera son apparition en France d'ici 2013.
TDF réfléchit aux choix techniques
En 2010, le groupe TDF a bien proposé de prendre en charge la construction du réseau et a annoncé un partenariat avec Omea Telecom ( qui gère Virgin Mobile et d'autres MVNO ), avec la constitution d'un opérateur de multiplex, Mobmux, pour piloter le déploiement, ce qui laissait quelque espoir de relance du dossier, mais les choses sont de nouveau stoppées, TDF souhaitant se donner le temps de réfléchir aux options techniques, celles-là mêmes qui semblaient pourtant déjà décidées.
Si la norme DVB-H a été validée au plan européen, TDF regarde aussi les autres technologies disponibles, et notamment MediaFLO de Qualcomm, bien que le groupe américain ait amorcé un désengagement dans cette technologie, faute d'avoir rencontré le succès avec les réseaux commerciaux lancés aux Etats-Unis. Elle regarde aussi les possibilités autour du CMMB, la norme de TV mobile chinoise.
En attendant l'issue de cette réflexion ( baptisée TMP 360° ), le projet TMP est de nouveau au point mort. Pourtant, le CSA ( Conseil Supérieur de l'Audiovisuel ) a déjà donné les autorisations pour 16 chaînes ( 13 privées et 3 publiques ).
Les freins sont économiques
Le CSA, par la voix de son représentant Gilles Bregant, affirme toujours croire en l'avenir de la TMP mais il reconnaît aussi que l'équation est complexe, entre la mise à disposition des fréquences nécessaires, qui constitue une ressource rare et donc chère, et la mise en place d'un réseau de diffusion qui sera très coûteux si l'on veut atteindre des objectifs de couverture acceptables, notamment en intérieur ( indoor ), puisqu'il apparaît d'après les retours obtenus en Italie, que la TV Mobile se consomme aussi ( et peut-être surtout )...chez soi.
Gilles Bregant a toutefois rappelé que la TMP est née d'un projet qui a vu le jour il y a six ans. Dans le cas de la TNT, le délai entre le projet et sa mise en application a pris dix ans. Au vu des enjeux et des implications à long terme qu'entraîneront les décisions prises, le retard ne serait donc pas encore catastrophique.
En revanche, il y a en ce moment même un choix délicat à faire :
- soit continuer dans la même direction avec les bases actuelles et lancer rapidement la TMP
- soit tout remettre à plat, avec de nouvelles options techniques et économiques, ce qui obligera à reporter encore le lancement de la TMP d'au moins deux ans
Le choix de l'une ou l'autre option se joue actuellement et la fenêtre ne sera ouverte que quelques semaines. Qu'est-ce qui pourrait inciter à tout remettre à plat ? Le fait notamment que la TMP a été initialement prévue pour des téléphones portables avec de petits affichages ( de l'ordre de 3" ). Or les appareils nomades et les tablettes ( écrans de 5 à 10" ) qui ont émergé depuis utilisent des affichages beaucoup plus grands, ce qui pourrait obliger à faire d'autres choix techniques que la TMP.
De même, la possibilité d'utiliser le satellite pour assurer une couverture large ouvre de nouvelles possibilités en matière de déploiement de la couverture. Enfin, l'aspect économique mérite d'être repensé à la lumière de l'application des taux de TVA aux produits électroniques voulus par le gouvernement.
Plusieurs possibilités techniques
Du côté de la technique, l' ARCEP, régulateur français des télécommunications, a rappelé sa neutralité vis à vis des choix techniques. Que l'on abandonne le DVB-H pour autre chose ou qu'on l'adapte par rapport à de nouveaux éléments technologiques ( comme l'utilisation du DVB-SH, norme hybride faisant appel au satellite ) lui importe peu, sa problématique étant de trouver les ressources spectrales nécessaires.
Pour le point de vue des acteurs industriels, c'est Yannick Lévy, président de DiBcom, société française produisant des modules pour la TV Mobile dans divers secteurs ( téléphonie, automobile... ), il y a plusieurs aspects à prendre en compte.
D'une part, les retards à répétition ont donné une mauvaise image du projet TMP. Il faudrait presque rebaptiser l'initiative ou changer d'axe de communication avant de la remettre en lumière. D'autre part, les solutions techniques de la TV Mobile peinent à la rendre vraiment...mobile.
Assurer une bonne qualité de diffusion en situation de mobilité ( en déplacement ) est un vrai casse-tête technique qui pèse sur l'expérience utilisateur et demande un solide réseau de diffusion, à la fois outdoor et indoor, et qui peut éventuellement passer par un réseau mixte terrestre / satellite.
DiBcom est d'ailleurs partisan de nouveaux modèles comme l' Inband TNT / TMP qui consiste à combiner les deux types de réseau et qui permettrait un lancement rapide. A noter que le président de DiBcom est favorable à un modèle de diffusion gratuite de la TV Mobile, alors que le CSA semble pencher pour un modèle payant.
L'avenir de la TMP toujours flou
On le voit, le projet de la TMP n'est toujours pas enterré mais il ne progresse pas beaucoup pour autant. Si depuis le début, le modèle économique pose problème, on constate que les choix techniques, qui semblaient fixés malgré une naissance dans la douleur, sont tout aussi fragiles.
Difficile de savoir ce qui en sortira, ou même s'il en sortira quelque chose. Une chose est sûre : les opérateurs ont été évacués du projet pour la partie construction du réseau de diffusion. Ils seront pourtant indispensables pour la distribution des terminaux compatibles. A quelles conditions ?