Qui va à la chasse…
Studio créé dans la seconde partie des années 80, From Software est connu pour son travail de qualité en matière de jeux de rôle. Bien avant d'être devenu populaire en raison de son travail sur la série Demon's Souls / Dark Souls, la société nipponne est à l'origine de la licence King's Field, pour ne citer qu'elle. Précisément, l'équipe de développement sait y faire en ce qui concerne le gameplay et l'ambiance, chose reconnue dans ses précédents jeux. Aussi, c'est avec grand enthousiasme que nous accueillons Bloodborne, le dernier né de From Software qui semble rester dans une certaine continuité en matière d'approche. En effet, nous le verrons au fil de la critique, mais le soft puise énormément de son patrimoine dans Demon's Souls et ses deux successeurs. Toutefois, ce n'est pas pour autant que les développeurs se sont reposés sur leurs acquis, loin de là.
Pour commencer, Bloodborne délaisse l'habituelle ambiance dark fantasy des précédents titres du studio, afin de se concentrer sur une atmosphère victorienne. Pour autant, la marque From Software demeure indélébile, puisque l'approche se veut toujours très sombre, voire macabre. Aux commandes d'un chasseur - dont il conviendra de spécifier le nom et l'esthétique au moyen d'un outil de création somme toute assez succinct – vous débuterez l'aventure au coeur de la cité de Yharnam, dans une clinique peu éclairée et à l'hygiène douteuse. Sur place, vous devez subir une opération un peu spéciale et aux intérêts peu recommandables. À notre réveil, seul, il conviendra de progresser dans cette clinique de l'occulte, nous propulsant devant un premier ennemi et pas des moindre, puisqu'il s'agit d'un loup garou. Bien qu'affaibli, ce dernier ne fera qu'une bouchée de votre corps frêle, puisque vous ne disposez que de vos mains comme moyen d'attaque.
Clairement, From Software joue à fond la carte de l'immersion par la souffrance, puisqu'à peine le premier ennemi rencontré, vous voilà occis dans le sang et la douleur. Alors que nous sommes habitués à une phase d'apprentissage au début d'un jeu, cette excentricité de la part du studio japonais a le mérite d'accrocher ses joueurs. Cette première mort est certes l'introduction à toutes les autres à venir, mais elle est prévue dans le scénario. En effet, votre décès vous propulsera dans un lieu qui servira de place centrale : le rêve du chasseur. En ces lieux, des stèles sont présentes et serviront – comme Demon's Souls – à accéder aux niveaux du jeu, tandis que la cabane délabrée vous permettra de stocker de précieux objets, de personnaliser votre équipement et, plus tard dans l'aventure, de prier devant un autel pour vous équiper de runes. C'est également à cet endroit qu'il sera possible d'acquérir vos premières armes à sélectionner. À noter que vous pouvez utiliser deux armes à la fois, l'une servant pour les attaques frontales et l'autre à distance ( pistolets, fusils, canons… ).
Une fois cette étape finalisée, il faudra retourner à la clinique pour faire la peau à notre loup garou de malheur, afin de pouvoir continuer à progresser en cette lugubre nuit de chasse au sein de l'étrange ville dans laquelle les habitants semblent avoir été transformés... L'ambiance oppressante est palpable et chaque ennemi devient un véritable danger. Aussi, au cours des premières heures de jeu, il est clair que la mort sera inévitable et il faudra se montrer prudent puisque les « checkpoints » - disposés sous la forme de lampes qui permettent de revenir au rêve du chasseur – sont rares et souvent très éloignés les uns des autres. Aussi, l'astuce consiste à bien étudier les environnements pour y trouver des raccourcis afin de revenir rapidement à ces points de répit. C'est en fouillant dans ces niveaux labyrinthiques que l'on se rend compte que le level design est très riche en détails et finement élaboré. La progression se révèle complexe, parfois frustrante ( notamment en raison d'ennemis souvent dissimulés de façon fourbe au recoin d'une rue ou dans les décors ) mais jamais totalement rebutante. En effet, si l'on meurt souvent, le jeu montre toujours que l'on venir à bout des obstacles, quand bien même certains ennemis et surtout les boss peuvent se montrer persuasifs en raison de leurs assauts aux dégâts souvent mortels. Dommage toutefois que le système de ciblage automatique pose toujours des soucis à la visibilité dans certains décors plus restreint, la caméra essayant tant bien que mal de se positionner.
Progression par l'échec
Tout comme Demon's Souls et Dark Souls, Bloodborne mise sur une progression à la sueur de notre front, oscillant entre de nombreuses morts et de faibles avancées. Si le cheminement peut se révéler très lent lors des premières heures de jeu, un rythme de croisière s'effectuera sur la durée, en grande partie en raison de votre évolution en matière dextérité. Pour les habitués des précédents jeux de From Software, la prise en main sera quasi-immédiate puisqu'il s'agira de bien étudier les patterns des ennemis avant d'agir. Toutefois, si les Souls privilégiaient la défense et de calculer ses assauts, il est ici question de jouer des esquives pour survivre. En l'absence d'armure et ( quasiment ) de bouclier, le jeu cherche à nous pousser à l'offensive. Cela se constate notamment face aux boss, lesquels n'hésiteront pas à nous mettre à terre si nous ne nous lançons pas au contact. Ce changement d'approche peut sembler anodin, mais il agrémente le gameplay en dynamisme tout en conservant une difficulté importante sans être insurmontable.
En termes de prise en main, sachez que chaque coup et chaque roulade d'esquive consommera une jauge disposée sous celle dédiée à votre santé à l'écran. Cette barre d'endurance calmera nos ardeurs, nous incitant à prendre du recul sur les actions et ce, dans l'optique de la laisser se remplir à nouveau et réfléchir sur le prochain mouvement. Aussi, il ne sera pas possible d'esquiver à tours de bras ou d'enchaîner les attaques de façon illimitée. Cet élément de gameplay est primordial pour bien progresser dans le jeu, afin de ne pas tomber nez à nez avec un ennemi sans endurance. La fessée sera alors inévitable.
L'autre élément intéressant qui joue en la faveur du caractère offensif du jeu : lorsque nous perdons de la vie, la jauge laisse une partie visible en jaune, laquelle peut se remplir à nouveau si l'on assène quelques coups à un ennemi. Ce regain immédiat de santé permet d'éviter de recourir à un objet de soin et nous pousse au contact de l'adversaire. Ce très bon ajout s'intègre parfaitement bien à la prise en main du personnage, lequel répond clairement au doigt et à l'oeil. Un vrai plaisir.
Si notre protagoniste dispose de deux armes, la principale – une arme blanche – dispose de deux modes aux caractéristiques particulières. Le premier permet d'attaquer de façon plutôt rapide, tandis que le second offre généralement la possibilité d'effectuer des dégâts plus importants mais au détriment de la rapidité d'exécution. C'est le cas avec les armes initiales qu'il est possible de déplier. Plus tard dans le jeu, il sera question d'un duo d'armes principales telles qu'une épée, rapide, et d'un marteau, plus massif et qui sera bien plus lourd à manoeuvrer. Cette mise en place permet une fois de plus une certaine flexibilité et nous pousse à jouer sur plusieurs tableaux – et donc des approches envers les ennemis – selon les situations.
Une dimension de gain est heureusement de mise dans Bloodborne. En effet, chaque ennemi occis permet de glaner des échos de sang. Cette « monnaie » du jeu permet d'acheter des objets et armes, mais également de gagner en caractéristiques via la jeune femme présente au hub principal du jeu, le rêve du chasseur. Il est possible de faire progresser son niveau jusqu'à 500 pour les plus téméraires, au travers de plusieurs points : la vitalité, l'endurance, la force, la compétence, l'ésotérisme et la teinte sanglante. Il conviendra de bien orienter notre personnage sur des caractéristiques afin de faciliter la suite des événements selon notre style de jeu. Dans tous les cas, il ne faut pas négliger la vitalité et l'endurance. Pour couronner le tout, il est possible de faire évoluer nos armes au moyen de pierres de sang récoltées ça et là dans les niveaux du jeu. Il faudra également penser à réparer les armes que vous utilisez, afin de ne pas perdre en efficacité au combat. L'ensemble de ces détails issus des RPG propose une immersion supplémentaire en raison de l'investissement dans le véritable chemin de croix que le jeu nous livre.
Bloodborne dépasse-t-il les bornes ?
Dans l'absolu, Bloodborne ne dispose pas de gros défauts dans son approche et sa prise en main : le personnage réagit au quart de tour et les morts ne sont que rarement injustifiées. Aussi, chaque action ratée provient d'une erreur que vous avez commise, mais le jeu nous pousse toujours à faire mieux, plus rapide, plus efficace. En finalité, Bloodborne peut devenir une obsession pour certains joueurs téméraires qui ne souhaitent pas rester sur un échec. En dépit de sa dimension perçue comme un trip en solo, le jeu propose une fonctionnalité coopérative empruntée de l'héritage des Souls. Aussi, nous retrouvons les messages laissés par les autres joueurs sur le sol des niveaux, permettant de se prémunir des surprises et ennemis à venir. Il est également possible de faire intervenir un autre joueur dans notre partie, au moyen d'une petite cloche qui nous sera proposée au fil de l'aventure. Cet objet devra également être activé par ce partenaire en ligne pour qu'il accepte de nous rejoindre. Afin d'éviter les joueurs anonymes de venir vous harceler, il est possible de mettre en place un salon privé protégé par un mot de passe, afin de filtrer les requêtes.
Sur la partie visuelle, Bloodborne n'a pas à rougir face à la concurrence. Cette exclusivité PS4 assure une réalisation artistique de grande qualité, proposant des décors très réussis et une ambiance victorienne rondement menée avec un côté lugubre qui forme la marque de fabrique de From Software. Le niveau de détails des textures est clairement qualitatif, affichant des environnements contemplatifs avec des effets de brillance, lequels mettent en exergue les liquides tels que le sang qui viendra tâcher vos habits lors de quelques échanges de coups. La résolution est très correcte mais quelques effets de scintillement peuvent être perceptibles sur certains écrans. Quoi qu'il en soit, le titre tourne à 30 images par seconde, mais des chutes seront souvent à constater lors de surcharges de monstres en mouvement à l'écran. Si cela ne nuit pas forcément au gameplay, c'est plutôt dérangeant au niveau du confort général. Enfin, le titre accuse des temps de chargement péniblement longs à l'heure de la rédaction de ce test, mais From Software a rassuré que ce désagrément sera bientôt de l'histoire ancienne en raison de l'arrivée d'un patch correctif.
Sur la partie sonore, Bloodborne assure sa propre immersion par le silence. Les musiques sont rares dans cette aventure, nous laissant ainsi attentif aux bruits environnants qui se révèlent quant à eux très riches et nombreux. Le moindre effet sonore nous mettra aux aguets de la moindre mauvaise surprise, les développeurs ayant pris un malin plaisir à étudier le level design de manière à nous prendre en traître. Aussi, il est conseillé de profiter de l'ambiance visuelle à fond, notamment avec un casque. Nous noterons également qu'il s'agit du premier jeu de From Software a être intégralement traduit en français, incluant les doublages. Ces derniers s'avèrent corrects et en adéquation avec l'ambiance d'outre-tombe du jeu.
+ Les plus
- Prise en main efficace
- Réalisation artistique et sonore de qualité
- Level design intelligent
- Ambiance immersive
- Mode coopératif malin
- Les moins
- Quelques baisses de framerate
- Temps de chargement trop longs
- Rares problèmes de caméra