Crazy Kung Fu
Si nous nous confrontons très souvent à des productions vidéoludiques peu originales ces dernières années, il existe – heureusement – toujours des studios qui misent sur des projets plus ambitieux, souvent apprécié des véritables amateurs de jeux vidéo. Certains sont même qualifiés d'ovnis en raison de leur approche peu conventionnelle dans l'atmosphère comme dans le gameplay. D'autres titres adoptent un chemin similaire, mais le rendu final s'avère cependant bien plus douteux. C'est le cas de Kung Fu Rider, projet développé dans les studios internes de Sony Computer Entertainment dans l'optique de promouvoir le PlayStation Move, le contrôleur de mouvements étudié pour la PS3.
Ce jeu vous permet de vous plonger dans le délire typiquement asiatique, avec toute l'exagération qui va avec. Au plein coeur d'une ville chinoise, vous incarnerez au choix Tobin – détective de son état – ou son assistante Karin aux atouts ravageurs. Les deux compères s'avèrent plutôt pressés puisqu'ils sont poursuivis par la Triade locale pour une raison que l'on ignore et qui ne sera tout simplement pas expliquée au fil du jeu. Les développeurs ont simplement mis en place une trame déjantée propice à l'urgence. Dès le menu principal, Tobin et Karin, essoufflés, cherchent à s'échapper des mafieux. Seulement, les deux compères ne sont guères loquaces en raison de leur maladresse et l'once de folie qui donne le ton très décalé à l'aventure.
Pour s'échapper, ils tombent bien évidemment dans le gros cliché, à savoir se séparer pour mieux semer. Pas décidé à jouer dans la discrétion, ils utiliseront des chaises de bureau, aspirateurs et autres diables pour dévaler les rues bondées de passants, voitures ou des marchandises entreposées. Bref, l'amorce du jeu est très amusante par un ton déjanté totalement assumé. Malheureusement, le scénario n'est pas davantage creusé, ce qui se révèle vraiment dommage puisqu'il s'agit d'un jeu en grande partie orienté vers le solo. Nous aurions apprécié quelques soubresauts au fil de la progression afin d'offrir un peu de variété, surtout que les voix françaises sont particulièrement délirantes - que se soit Tobin ou Karin. On ressent très clairement que le duo a certainement trop chargé leur café, au vu de leurs réactions complètement hystériques. Cette absence de mise en scène est ainsi particulièrement frustrante.
Aussi, Kung Fu Rider se base sur le concept simple : débouler dans les rues sur des engins à roulettes, en assénant des prises de kung fu aux mafieux qui tenteraient de vous mettre KO. Les « circuits » étant relativement riches en passants et autres obstacles positionnés de manière à vous mener la vie dure, la progression pourrait bien être synonyme de descente aux enfers, bourrée de chutes, en espérant arriver jusqu'au van qui vous sortira du guêpier. Vous vous lancerez ainsi dans une série de dix-huit niveaux qui s'avèrent certes bien réalisés, mais également très peu variés. En effet, toutes les courses se déroulent plus ou moins au même endroit, seules les directions seront modifiées à l'aide de murs invisibles composées de grosses flèches vertes. Nous avons ainsi l'impression de refaire sans cesse les mêmes niveaux.
Chaise sans ABS
Au vu des éléments précédemment soulignés, Kung Fu Rider se base essentiellement sur sa prise en main. Et cela s'avère déterminant puisqu'il s'agit d'un jeu du line-up du PS Move, faisant de lui l'un des porte-étendards du périphérique de Sony. D'entrée de jeu, autant vous prévenir qu'il ne faudra pas compter sur ce titre pour profiter comme il se doit des capacités du contrôleur. En effet, le soft se veut mal optimisé, découlant sur une imprécision parfois très inconfortable. Les mouvements requis par certaines actions étant relativement identiques, la retranscription du contrôleur à l'écran se veut bien trop aléatoire. Cela se ressent tout particulièrement lorsque vous secouez le PS Move du haut vers le bas pour accélérer, une opération qui se confond régulièrement avec le saut qui nécessite de lever le bras. Nous retrouvons le même souci dans l'utilisation du boost, la reconnaissance du mouvement de bras de l'arrière vers l'avant étant souvent mal perçue dans le jeu. Si les premiers instants de prise en main pourraient être très amusants, les difficultés d'accessibilité rebuteront la plupart d'entre nous.
En parallèle, les virages classiques et serrés sont plutôt bien reconnus en inclinant le PS Move plus ou moins fermement vers la gauche ou la droite. D'autres mouvements seront quant à eux nécessaires pour se frayer un chemin dans les rues. Tout d'abord, la technique de base sera d'esquiver les panneaux, échelles et autres échafaudages. Pour cela, il suffira d'appuyer et maintenir la gâchette du contrôleur, découlant sur une position ridiculement drôle. Ensuite, pour dégommer ennemis et autres objets, il est possible d'appuyer sur la touche move (touche centrale du contrôleur) pour donner des coups de pieds tournoyant. Que serait Kung Fu Rider sans prises de kung fu ? Idéals pour mettre KO les membres des Triades, trois configurations de coups de pieds seront à effectuer en maintenant la touche rond ou carré tout en inclinant fermement le PS Move vers la droite, la gauche ou vers le haut. Les coups changent selon l'utilisation de Tobin ou Karin. Toutefois, en raison du faible diamètre des boutons, beaucoup de joueurs trouveront plus confortable de se restreindre à l'utilisation unique de la touche move pour les attaques. Enfin, les boutons croix et triangle sont utilisés pour esquiver certains éléments du décor.
Si vous avez envie de gagner en rapidité, il faudra utiliser le turbo. Cette fonction s'appuie sur une jauge spéciale qui se remplira selon deux conditions : cogner des mafieux et passer dans des formes rectangulaires de couleur placés entre des poteaux, sur les toits des voitures, sur des câbles électriques, etc. Pas toujours évidents à récupérer, ces derniers indiquent souvent des raccourcis afin d'atteindre plus rapidement son objectif. Pour plus de folie, il sera possible de grinder barrières, escaliers et autres fils électriques en pressant la touche move après un saut. En raison d'une certaine imprécision des sauts, le jeu est conçu de manière à vous caler automatiquement sur la barre en prenant en compte une certaine marge d'erreur. L'impression du jeu oscille ainsi entre Crazy Taxi et un volet de Tony Hawk, ce qui se révèle assez intéressant.
À la fin de chaque niveau, une note vous sera attribuée (de E à S), calculée en fonction du temps mis à arriver au van, aux billets récoltés dans les courses effrénées, ainsi qu'au nombre de chutes. À ce sujet d'ailleurs, veillez à ne pas trop vous planter, sous peine de ne pas pouvoir terminer la course. Vous n'avez en effet que quelques essais pour repartir sur votre engin à roulette avant de terminer à l'hôpital. Lorsque vous finissez une course, le PlayStation Eye – nécessaire à l'utilisation du PS Move – vous proposera un cliché de votre trombine pris sur le vif, généralement lors d'une chute. Si la plupart des missions sont chronométrées, plusieurs courses s'avèrent complètement ouvertes, vous permettant de vous balader à votre guise afin de récupérer des médailles (20 par niveau) parfois très difficiles à atteindre. Ces dernières permettent de débloquer des engins à roulettes supplémentaires qui disposent chacun de capacités qui leur sont propres (maniabilité, vitesse, etc). Étant donné que la prise en main est imprécise, gare à la crise de nerf...
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Amusant mais trop peu exploité
Pour l'un des premiers jeux exploitant le PlayStation Move, Kung Fu Rider s'en tire plutôt mal avec de nombreuses imprécisions dans les contrôles. On va même jusqu'à penser que le jeu n'est pas vraiment conçu pour l'utilisation de ce contrôleur. Si le concept se voulait très amusant et parallèlement très original, le résultat final est hautement frustrant, même si après quelques heures d'acharnement, vous parviendrez à dompter davantage la bête. L'autre bémol vient certainement du fait qu'il s'agisse d'un jeu résolument orienté vers le solo, alors qu'il aurait fait un très bon party game. S'il est possible de jouer à deux, le second participant ne se contente que de contrôler une main afin de récupérer des bonus ou se défouler sur les Triades. Bref, il aurait été certainement plus judicieux de proposer une solution à base d'écran splitté pour s'amuser davantage.
Quoi qu'il en soit, la réalisation graphique du jeu s'avère relativement convaincante, en raison d'une modélisation très correcte, une certaine richesse des décors et des animations honnêtes des deux héros (si l'on excepte certaines incohérences dans les chutes, et autres frottements avec les décors). Le rendu est relativement fluide et rappelle quelque peu l'impression laissée par le très connu Crazy Taxi quelques années plus tôt. Toutefois, il ne faudra pas être trop regardant sur les déplacements des voitures et autres passants, tant la rigidité est présente. Inutile donc indispensable, les mimiques de notre personnage en haut de l'écran se veulent très amusantes, permettant de voir le sentiment de peur en cas de chute, ou les effets de la forte vitesse au travers de nombreuses animations faciales.
En dépit d'une idée initiale tout bonnement géniale pour les amateurs d'humour totalement décalé, Kung Fu Rider accuse de trop nombreuses faiblesses pour mériter notre attention. En effet, le titre n'utilise pas vraiment le potentiel du PlayStation Move, proposant à la place des contrôles imprécis et inconfortables. De plus, le jeu accuse un grand manque de variété dans les niveaux et s'avère malheureusement trop creux dans son background. Au vu de l'accroche de base et les doublages français judicieusement exagérés, nous aurions apprécié davantage de mise en scène entre les descentes en engin à roulette. Pas non plus optimisé pour le jeu en multijoueur (alors qu'il avait le potentiel), le soft se révèle au final assez anecdotique et franchement assez onéreux au vu du faible contenu qu'il représente. Une sortie sur le PlayStation Store à prix plus réduit aurait été certainement plus judicieux et mieux perçu par les joueurs.
+ Les plus
- L'idée initiale originale et décalée
- Les voix françaises délirantes
- Les moins
- La prise en main très mal calibrée
- Durée de vie minime
- Pas de réel mode multijoueur
- Lassant en solo