Une ambiance poisseuse
Alors que les adorateurs de la licence Hitman s'attendaient à un nouvel épisode de leur série fétiche, Io Interactive a développé une nouvelle licence dans un esprit similaire, Kane & Lynch. Plutôt intéressant au premier abord, le titre offre un scénario de qualité, ainsi que deux personnages à la psychologie fort bien travaillée. Dans la pratique, le soft accuse de nombreux problèmes de prise en main liés au gameplay approximatif et peu ergonomique, une intelligence artificielle peu élaborée, mais aussi et surtout une réalisation graphique relativement pauvre et sans âme. En dépit de son juteux potentiel, la production ne s'est pas révélée suffisamment fun à jouer pour satisfaire notre appétit de joueur.
Fort des bonnes ventes de cet épisode, Io Interactive se charge de concevoir une suite. Baptisée Kane & Lynch 2 : Dog Days, cette dernière cherche à redorer le blason de la jeune licence en s'orientant sur l'action pure et dure. Sans surprise, nous retrouvons notre duo de psychopathes - le véritable fer de lance de la franchise - au plein cœur d'un Shanghai de tous les dangers. Ceux et celles qui n'ont pas pratiqué le premier épisode ne seront pas véritablement handicapés par la bonne compréhension de Kane & Lynch 2 puisque l'histoire est ici très survolée, pour ne pas dire quasi inexistante. En effet, le jeu débute sur une scène de torture dans laquelle nos deux compères se font littéralement couper la peau à grands coups de cutter. Suite à cette scène malsaine au possible, on se retrouve projeté deux heures plus tôt, lorsque Kane retrouve Lynch dans la célèbre ville chinoise. Dès les premières secondes, Lynch dit vouloir terminer une mission « de routine » concernant un contrat de vente d'armes. Vous l'aurez deviné, cette dernière opération s'envenime bien rapidement, puisque cela se termine par le meurtre de la fille du plus grand mafieux de Shanghai.
Cette bavure sera l'élément déclencheur de toute la suite du jeu, à savoir le combat perpétuel et appuyé entre notre duo, les gangsters à la solde de la mafia locale, mais également la police, les unités spéciales chinoises ou encore l'armée. Bref, toute la mégalopole semble vouloir faire la peau aux coéquipiers qui, dans une certaine lassitude pour ce genre de situations, sont toujours aussi déjantés. C'est donc avec un certain plaisir que l'on contrôlera Lynch pendant la quasi-totalité du jeu. Ce dernier, lugubre, dérangé et particulièrement sanguin, n'hésitera pas à insulter à peu près tout le monde. Kane le suit dans cette démarche et, malgré son approche parfois plus diplomatique, n'hésitera pas à faire parler la poudre. Si les deux ennemis publics évolueront toujours de pair tels des inséparables, on regrettera un certain manque de discussions au fil du jeu. Le premier épisode avait cet intérêt de mettre l'accent sur les échanges entre Kane et Lynch, ce qui offrait une immersion supplémentaire.
Au lieu de cela, les développeurs ont favorisé une mise en scène plus impliquée. En effet, vous vous retrouvez plus ou moins dans la peau du cameraman du jeu. Tout comme certains longs-métrages tels que le Projet Blair Witch ou encore Cloverfield, Kane & Lynch 2 pratique une mise en scène de type film amateur. Les cut-scenes comme les phases de gameplay sont ainsi peu stables - notamment lorsque vous courrez - tout en fourmillant de parasites tels que le filtre granuleux digne des vieilles VHS ou encore l'apparition de gros pixels pendant les explosions ou les bruits assourdissants. Cette mise en scène particulièrement osée pour un jeu vidéo est appréciable, mais également assez inconfortable. Aussi, certains joueurs détesteront ce choix artistique, mais pourront sensiblement diminuer les tremblements de caméra depuis les options du jeu. Toujours est-il qu'une fois l'effet désactivé, un élément paraît comme une évidence : le moteur graphique n'a pas véritablement évolué depuis le premier opus. On perçoit une modélisation des personnages vraiment moyenne, des animations rigides, des synchronisations labiales aux fraises, ainsi que des textures pas toujours très réussies. Toutefois, certains décors s'avèrent plutôt bien construits, en raison de nombreux petits détails et des effets de lumière suffisamment bien placés pour dissimuler les lacunes techniques. Quoi qu'il en soit, ce manque d'entrain graphique joue en la faveur de la fluidité du jeu. Cette dernière se veut toujours optimale, ce qui n'est pas pour nous déplaire.
Mission express
Si l'on a l'impression de liberté lors des premiers pas dans l'aventure, on se rendra vite compte que le jeu est construit sur un itinéraire bien délimité. Aussi, la progression « en couloir » est très présente et ce, en dépit de quelques zones de jeu proposant des espaces faussement plus ouverts (l'aéroport notamment). Comme l'histoire laisse régulièrement place à l'action, nous nous retrouvons dans tous les cas dans des fusillades effrénées d'une rue à l'autre, d'un magasin à l'autre, d'un niveau à l'autre. Une fois un endroit nettoyé, il faudra effectuer une action contextuelle pour ouvrir un portail et autres portes, afin de passer à la zone dangereuse suivante. On mitraille, on court, on mitraille, on court, voilà ce qui pourrait résumer la campagne solo de Kane & Lynch 2. Io Interactive s'est focalisé sur l'immersion totale du joueur dans les phases de gunfight au plein cœur de Shanghai, et il faut avouer qu'ils ont réussi leur coup. Cependant, la lassitude se fera cruellement ressentir après quelques heures de jeu.
Gros point noir du premier volet, la prise en main de cette suite a-t-elle été améliorée ? Malheureusement, on déplorera un manque d'innovation générale, bien que certains ajustements ont été apportés, notamment au niveau du système de couverture à l'aide des décors. Cette fois-ci plus simple à mettre en œuvre, le fait de se mettre à couvert est un élément primordial à la bonne marche de l'aventure. Tout comme n'importe quel TPS, il suffira d'appuyer sur la gâchette de visée pour tirer sur les ennemis depuis votre abri de fortune. Toutefois, les soucis de collision du premier épisode sont toujours très présents, voire clairement handicapants dans une majeure partie de l'aventure. Cela se ressent surtout au corps-à-corps avec d'autres personnages. Il suffit de bousculer un civil pour que ce dernier glisse sur le sol, au lieu d'enclencher une animation de déséquilibre. Lorsqu'on joue à deux joueurs, cela pose ainsi un réel souci de déplacement, ce qui vous oblige à ne pas trop vous coller. À ceci s'ajoutent des déplacements toujours très rigides voire particulièrement approximatifs, ce qui ne joue pas réellement en la faveur de l'intérêt. Les sensations de tir ne sont pas réellement convaincantes, en raison d'une impression d'imprécision totale de nombreuses armes. Il faudra attendre d'acquérir certaines mitrailleuses et les fusils à pompe pour que ce constat se fasse moins ressentir.
Nous regrettons également le réel manque d'évolution de l'intelligence artificielle. Cette dernière n'a pas changé depuis le premier épisode, nous confrontant à des réactions très scriptées en fonction de votre position. Les ennemis se contentent de rester en couverture et se relever régulièrement pour vous tirer dessus. Si certains d'entre-eux se déplacent parfois d'un endroit à l'autre dans l'optique de se rapprocher de vous, il suffira de se placer légèrement en retrait pour les descendre sans qu'il ne s'en aperçoivent. Cette impression se révèle tout aussi bien dans les quatre modes de difficulté (le dernier étant une véritable torture). Autre petite subtilité de cette suite, la possibilité de prendre un ennemi comme otage offre une petite nouveauté appréciable afin d'exterminer les malfrats sans risque avant qu'il ne se fasse descendre ou que vous décidiez de l'abattre. Malheureusement, les déplacements se veulent très lents pendant cette phase, ce qui réduit fortement l'intérêt d'opter pour cette méthode, sauf dans les quelques cas de figure qui nous incitent à le faire.
Vous l'aurez compris, cette suite s'est montrée relativement paresseuse au niveau des améliorations de prise en main, ces dernières étant pourtant nécessaires pour produire une suite digne de ce nom. Au lieu de cela, Io Interactive s'est focalisé sur l'enchaînement de missions sauvages et globalement très répétitives ; les seules excentricités relèveront d'une courte escorte, une fusillade à bord d'un hélicoptère, ou encore un chapitre à parcourir à poil. Au vu du faible nombre de missions et du rythme soutenu, il ne faudra pas plus de cinq heures pour se frotter au générique final. Pour la partie solo, nous avons ainsi l'impression d'avoir descendu des hordes d'ennemis dans un univers crasseux mais immersif, appuyé par une mise en scène plus travaillée que dans le premier opus, mais au scénario bien plus anecdotique.
Galerie d'images
Du multi pour les amis
En parallèle à la partie solo, Kane & Lynch 2 propose un versant multijoueur particulièrement complet, à défaut d'être véritablement surprenant pour les fans de la première heure. Sans surprise, nous retrouvons le mode coopératif en ligne, permettant de s'adonner à l'intégralité du jeu avec un ami. La nouveauté appréciable provient du fait de pouvoir enfin jouer à deux en coop local. Après avoir essayé ce mode, l'écran splitté est parfaitement praticable, mais nécessite de désactiver les effets « amateurs » de mouvements de caméra pour être pleinement optimal. Comme précisé précédemment, les collisions dans ce mode de jeu sont particulièrement gênantes. Le framerate demeure cependant parfaitement homogène.
Au niveau des modes compétitifs, il faudra de nouveau compter sur le fameux mode Fragile Alliance qui a fait ses preuves dans le premier opus. Ce mode vous permet d'incarner un braqueur qui, avec son équipe, devra récolter un maximum de dollars avant de fuir en camionnette ou en hélicoptère (selon les niveaux). Bien évidemment, il faudra compter sur la présence des forces de police contrôlées par l'IA pour tenter de vous arrêter. Si l'un de vos collègues meurt, vous pourrez récupérer son argent. Une fois que vous vous êtes enfui, vous partagez les gains avec vos compères. Par cupidité, vous pourrez essayer de récupérer un maximum d'argent. Pour cela, il suffit de tuer vos alliés. Dès lors, vous serez catalogué en tant que traître, ce qui vous obligera à tuer tout le monde avant de partir. Lorsque vous perdez la vie, rien n'est perdu puisque vous incarnerez un policier à la place d'un bot. Vôtre tâche sera alors de récupérer l'argent volé en tuant ses anciens camarades. Bref, ce mode se veut particulièrement addictif pour son originalité et son gameplay vicieux selon les actions menées par les joueurs.
Le second mode ajouté dans cette suite, Flic Infiltré, reprend les règles de Fragile Alliance, à la différence qu'un des braqueurs de l'équipe est désigné comme flic au début de chaque manche. Ce joueur devra ainsi attendre que le vol s'effectue, avant de tuer tous les braqueurs. L'avantage, c'est qu'il n'est pas directement noté en tant que traître, ce qui lui permet de demeurer dans l'anonymat. Le troisième et dernier mode multijoueur compétitif, Flics contre Voleurs, scinde les joueurs en deux équipes : l'une composée de braqueurs, l'autre de policiers. Si d'aventure vous n'appréciez pas jouer avec d'autres joueurs en ligne (ou que les serveurs subissent trop de lags pour jouer correctement), le jeu propose un mode Arcade dans lequel vous jouerez avec et contre des bots. Ainsi, vous disposez de davantage de manches pour vous remplir les poches, les ennemis étant de plus en plus coriaces au fil du temps.
En comparaison avec le premier volet, Kane & Lynch 2 : Dog Days n'est pas suffisamment enrichi pour être qualifié de production indispensable. En effet, le jeu propose toujours un moteur graphique à peine honnête, dissimulé par un filtre intentionnellement granuleux et aux incessants mouvements de caméra. La prise en main est toujours assez rigide, les fusillades sont immersives mais peu jouissives, en raison d'une IA toujours très scriptée. Bien que comportant une atmosphère extrêmement riche, des personnages très travaillés et des doublages français de très bonne facture (pour une fois !), le jeu accuse une affligeante linéarité et un aspect trop répétitif des « missions ». Comportant une durée de vie d'environ cinq heures, le jeu aurait de toute façon lassé sur une longévité plus importante. Les curieux qui n'ont pas pratiqué le premier volet pourront toutefois tester le mode Fragile Alliance qui vaut vraiment le détour. Quoi qu'il en soit, Kane & Lynch 2 n'est réellement pas l'un des ténors du third person shooter.
+ Les plus
- La mise en scène filmée
- L'immersion
- Bonne réalisation sonore
- Le coop en local et en ligne
- Le mode Fragile Alliance en multi
- Les moins
- Moteur graphique décevant
- Des bugs de collision
- IA médiocre
- Prise en main rigide
- Très court
- Très linéaire