Avec l'émergence de la constellation Starlink de SpaceX permettant de relier à Internet n'importe quel point de la planète ou presque, la maîtrise d'un réseau de communication par satellite prend tout son sens.

L'Europe veut disposer de son propre réseau souverain pour assurer des communications gouvernementales sécurisées, des échanges militaires ou pour gérer des services de communication d'urgence sans avoir de compte à rendre ou devoir demander la permission pour utiliser des infrastructures tierces, et qui ne risquera pas d'être interrompu en cas de crise (hors cas exceptionnel d'une explosion nucléaire spatiale qui détruirait la constellation en une fois).

Le projet Iris2 a commencé à prendre forme l'an dernier avec un premier cadre définissant les grandes lignes et les maîtres d'oeuvre ont été désignés avec une partie française (Airbus, Thales Alenia Space), une partie espagnole (Hispasat, SES) et un partie allemande (OHB, Deutsche Telekom).

L'Allemagne en désaccord sur les modalités du projet Iris2

Tout semblait prêt pour la concrétisation du projet mais, comme d'autres grandes initiatives européennes, il n'a pas fallu longtemps pour trouver des points de blocage.

La critique vient de l'Allemagne avec un courrier du ministre de l'économie Robert Habeck adressé à Thierry Breton, commissaire européen en charge du spatial (et donc de la supervision de Iris2) reprochant à la France de s'être attribuée la part du lion.

IRIS2 satellite constellation Thales

La constellation Iris2, avec des satellites sur des orbites proches et plus lointaines

L'Allemagne suggère que Thierry Breton a su surtout pousser les intérêts français et demande même une suspension de l'appel d'offres initiale, qu'elle estime "mal conçue", selon le quotidien allemand Handelsblatt.

Notre voisin aurait préféré mettre en avant des startups et des procédés innovants plutôt que de faire appel aux mêmes acteurs établis aux process plus lourds. Mais entre l'immaturité de nouvelles technologies non éprouvées et le savoir-faire issu d'une longue pratique, le projet Iris2 a cherché une voie médiane qui, pour l'Allemagne, est trop timorée...et coûteuse.

L'Europe pourrait s'en trouver fragilisée

Les 13 milliards d'euros (dont 2,4 milliards d'euros d'argent public), même ramenés depuis à moins de 10 milliards, seraient mal exploités et majoritairement raflés par les entreprises françaises. Toutefois, demander une remise à plat de l'appel d'offres en cours peut être vu comme une tentative d'interférence d'un Etat membre dans une procédure et serait plutôt mal vue au niveau européen.

Il reste que, de nouveau, le parcours de ce projet européen s'annonce déjà compliqué et que sa remise en cause peu avant le nouvellement de la Commission européenne pourrait le fragiliser au point de le faire caler.

Or, l'Europe n'est pas au mieux de sa forme en matière spatiale avec le trou d'air entre la fin de vie d'Ariane 5 et le début d'Ariane 6 qui oblige à réduire les activités spatiales ou à les confier aux fournisseurs américains, alors que le reste du monde accélère sur les projets spatiaux.

Source : Le Figaro